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Mini Transat 2013, c'est fait ! Premier récit

Cette Mini Transat 2013 aura été exceptionnelle à plus d'un titre et va longtemps rester dans les annales de la course au large tant la course aura été difficile. Quatre-vingt-quatre bateaux au départ, 51 à l'arrivée et pour mon bateau et moi la 21ème place au classement série en 26j et 18h dont 27 h d'escale technique aux Canaries.Difficile de vous raconter en quelques lignes cette incroyable Transat. Il y a tant de choses à dire mais voici quelques moments forts.


Yoann à l'arrivée de la MiniTransat 2013 : barbuNous prenons finalement le départ de Sada avec 1 mois de retard sur le planning initial et beaucoup de tension. Nous sommes prévenus, les débuts vont être difficiles : vent fort et grosse mer nous attendent au cap Finistère ainsi que le long du Portugal. Effectivement dès le premier soir le vent reste bloqué entre 30 et 40kt et surtout la mer est très mauvaise. Sous voilure réduite (3 ris GV, solent arisé) le bateau accélère encore à 14-16kt dans les surfs. Ça tape, ça cogne, c'est extrêmement bruyant et stressant. A la VHF la liste des bateaux en avarie ne cesse de s'allonger. Dans ces conditions la course est mise entre parenthèses, ce qui compte c'est tenir et ne pas casser.

Je réussi à passer sans dommage et dans les jours qui suivent je trouve progressivement mon rythme. Je renvoie de la toile dès que l'état de la mer le permet avec plusieurs runs de fou sous code 5, speedo régulièrement bloqué entre 14 et 18kt dans les surfs. Ça mouille, ça tape, mais les milles défilent.

 

Le moment le plus dur de la Transat intervient lors du dernier coup de vent pendant la 3ème nuit. A nouveau dans 40kt de vent et une mer très désordonnée, je calme le jeu et réduit fortement la voilure pour préserver le bateau. D'un coup je sens le bateau décrocher et je constate avec effroi que le safran bâbord a disparu, brisé net ! A l'arrêt, travers aux vagues, plusieurs déferlantes nous couchent. Je repense à Ian (NdE : Ian LIPINSKI, 539) qui a chaviré la 1ère nuit et mets du temps à retrouver mes esprits pour envisager la suite. Aucune réparation n'étant possible de nuit dans ces conditions de mer, je décide de faire route sous voilure réduite vers Casablanca pour m'y abriter et réparer. Le lendemain matin, la mer et le vent se sont un peu calmés et j'entreprends la mise en place de mon safran de secours. Deux heures d'effort penché dans l'eau à l'arrière du bateau pour trouver la bonne méthode et tout remettre en place. Je suis crevé physiquement et abattu moralement mais 12h après la casse je peux enfin remettre en route direction les Canaries.

Dans mon esprit, il est impossible de faire la Transat avec le safran de secours qui est un vieux safran fissuré. Pendant 24h je ne vois pas d'autre issue que d'abandonner aux Canaries. C'est à ce moment-là que le fait de savoir qu'il y a de nombreux soutiens derrière moi prend toute son importance. Progressivement je remonte la pente et prend conscience qu'il n'est pas question d'abandonner. Cela prendra le temps et les efforts qu'il faudra mais j'arriverai en Guadeloupe !

Je m'arrête finalement 27h aux Canaries sans y trouver de solution pour mon safran. Pendant ce temps la flotte a pris le large et je repars autour de la 30ème place avec 6 autres bateaux. Ne pouvant plus rien espérer au classement, je me fixe l'objectif d'arriver en Guadeloupe en tête de ce groupe de 6 bateaux. Une nouvelle course dans la course commence.

 

L'anticyclone qui se déplace dans l'Ouest des Canaries ne nous laisse pas d'autre choix que d'allonger la route en plongeant au Sud pour aller chercher l'alizé. Difficile pour le moral d'enchaîner les journées vers le Sud à 70 degrés de la route, et le pire est à venir... Arrivé à la hauteur de la Mauritanie, empannage puis cap à l'Ouest, enfin ! Deux jours d'alizés puis l'anticyclone des Açores décide d'aller s'installer très loin au Nord sur les îles britanniques. Encore un sale coup des rosbeef ! Sans anticyclone sur les Açores, plus d'alizés mais à la place de vastes zones de calme puis de multiples dépressions orageuses. Pour le marin c'est l'horreur ! Des heures et des heures dans 3kt de vent puis du vent de face et des grains d'une incroyable violence traversés de nombreux éclairs. Ce n'est pas vraiment ce qui nous avait été vendu...

Quatre jours après le départ des Canaries je parviens à prendre un peu d'avance sur mes collègues d'infortune. Je n'ai alors plus aucun contact radio et cela va durer jusqu'au dernier jour. Je suis complètement isolé, en solitaire ! Cela ne me pèse pas trop car c'est la course que je souhaitais vivre mais parfois j'aimerai bien tout de même échanger quelques mots avec quelqu'un d'autre que moi même... (PS : J'ai découvert à l'arrivée que Jonas (NdE : Jonas GERCKENS, 590) a souvent été proche de moi mais sa radio étant HS nous n'avons jamais été en contact).

 

Les jours passent, je me sens globalement bien sur le bateau. Je suis beaucoup moins dans la douleur qu'il y a un an pendant la course Les Sables - Les Açores. Je sens que j'ai mûri et j'ai le sentiment de bien faire marcher le bateau sans pour autant trop tirer dessus et le charger. Trois ans de vie commune, on commence à être en phase, c'est agréable ! J'essaye d'avoir des journées bien organisées, rythmées par les repas, la vacation BLU, l'analyse de la météo, la navigation, l'étude du classement, les siestes.... le tout devant être adapté en fonction de la météo, des grains etc... Tout n'est bien sûr pas toujours rose, loin de là... Dans les moments plus difficiles j'ai le sentiment d être prisonnier du bateau, sans échappatoire. Il faut alors tenir, résister, se faire mal, mais ça je sais que j'en suis capable alors je garde confiance.

 

Les derniers jours, un alizé enfin soutenu fait son retour et les milles défilent. Plus de 200 milles par jour vers la Guadeloupe, ça redevient sport, physique et bruyant mais l'arrivée est au bout. Le dernier jour alors que je me réveille je constate que je suis bord à bord avec Jonas. Il est le premier à renvoyer le spi, nos routes se séparent et toute la journée je crois qu'il est devant moi. J'attaque sous spi medium puis grand spi, je ne veux pas avoir de regrets. A l'approche de la Guadeloupe les grains surgissent de partout. Dans la nuit, sous grand spi, c'est chaud et je dois affaler plusieurs fois en catastrophe alors que le vent dépasse les 28kt. A 15 milles de l'arrivée, je me résout à calmer le jeu et je réduit. A hauteur de La Désirade j'ai un premier contact radio avec Francois Lamy (566) qui m'apprend qu il a lui aussi des problèmes de safran et que je viens de le doubler (je suis super content car on avait un pari en jeu).

 

Yoann à l'arrivée de la MiniTransat 2013 : dernières encabluresJe ne suis plus qu'à 1,5 milles de la ligne lorsque j'entends Jonas (590) s'annoncer par radio au comité de course. Il est 1/2 mille derrière moi. Le vent a baissé et je saute dans le bateau pour matosser et rééquilibrer les poids. Un zodiac apparaît avec Emilie à bord [NdE : la femme de Yoann] mais je reste hyper concentré, dans ma course, le regard figé sur la flash light de la bouée d'arrivée que j'aperçois, il faut tenir cette place !

Le coup de sirène libérateur au passage de la ligne, les flashs... cette fois c'est fait ! Je lève les bras au ciel et me jette sur mon safran pour l'embrasser, il a tenu, mon bateau a été super !

Ensuite ce n'est que du bonheur, l'arrivée au ponton, les retrouvailles avec Emilie, la grande famille des Ministes présente pour m'accueillir, les fruits frais, le 1er ti punch et tous ceux qui vont suivre... J'ai bouclé la mini Transat, c'est génial !

 

Dans les premiers instants de mon arrivée je suis néanmoins un peu frustré par mon classement. J'ai le sentiment d'avoir bien navigué et que j'aurais pu me battre avec ceux qui étaient un peu plus devant. Mon escale aux Canaries est ma principale erreur et elle m'a lourdement pénalisée. Mais c'est la course, c'est le jeu, et rapidement c'est la satisfaction qui va l'emporter. Un coup d’œil à la cartographie, le 1er des 6 bateaux avec lesquels je suis reparti des Canaries est à plus d'une journée de mer ! Je suis content et fier de ce que j ai fait sur l'eau, pas de regret !

 

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